Vous êtes sur la page 1sur 10
D Défenseurdesdroits $$ REFUBLIQUE FRANCAISE mm La Défenseure des droits 12 DEC. 2022 Paris, le ‘A rappeler dans toute correspondance : Ret htetocuteu: : as Téléphone: 1 COON A Lettre recommandée avec accusé de réception (et copie par courriel) Qbiet : Notification de decision Maitre, Vous mavez saisie pour votre client M_Amar BENMOHAMED, ee qui a dénoncé notamment auprés: de sa hiérarchie comme contraires a la déontologie les comportements de certains de ses collegues a l'encontre des personnes placées dans les cellules du Dépdt entre 2017 et 2020. Le réclamant fait état de plusieurs mesures défavorables, dont une sanction d'avertissement adoptée le 4 janvier 2021 a son égard, a la suite de ses signalements d'une alerte. L’enquéte diligentée par mes services a permis d'établir que M. BENMOHAMED a été victime d'une mesure de représailles & la suite de ses signalements en méconnaissance notamment de l'article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable @ la date des faits, eu égard a la sanction davertissement dont il a fait objet Par suite, j'ai décidé d'adopter la décision n° 2022-227, dont vous trouverez ci-joint une copie, portant observations devant la cour administrative d'appel de Paris conformément aux dispositions de l'article 33 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 Je vous prie d'agréer, Maitre, 'expression de toute ma considération. Claire HEDON D Défenseurdesdroits — Rervgee Francaise —— Paris,le 12 DEC. 2022 Décision du Défenseur des droits n°2022-227 La Défenseure des droits, Vu l'article 71-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; Vu la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ; Vu le décret n* 2011-904 du 29 juillet 2011 relatif a la procédure applicable devant le Défenseur des droits ; Vu la Ici n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, codifiée & compter du 1* mars 2022 dans le code général de la fonction publique ; Wu le code de la sécurité intérieure par_Monsieur_Amar_BENMOHAMED, défavorables, dont une sanction d'avertissement adoptée le 4 janvier 2021 2 son égard, dont, il estime avoir fait objet a la suite du signalement, notamment auprés de sa hiérarchie, du comportement de certains de ses collégues, entre 2017 et 2020, a l'encontre des personnes placées dans les cellules du Dépét, qu'il considérait comme contraires a la déontologie ; Décide de présenter les observations suivantes devant la cour administrative d'appel de Paris saisie par lintéressé. Claire HEDON Observations en application de l'article 33 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 Le Défenseur des droits a été saisi par Monsieur Amar BENMOHAMED, i i a dénoncé auprés de sa hiérarchie, comme contraires 4 la déontologie, les comportements de certains de ses collégues entre 2017 et 2020 a l'encontre des personnes placées dans les cellules du Depot. UV soutient avoir tout d'abord informé sa hiérarchie des manquements précités au moyen de ‘comptes rendus oraux dés avril 2017. Ces signalements oraux auprés des responsabies de la brigade ont été réitérés jusqu’a mars 2019. Il a également adressé des rapports écrits a sa higrarchie, Ses alertes portaient notamment sur des vols, des insultes a caractére raciste et homophobe, des refus de soins et des privations d'eau et de nourriture a 'égard des personnes déférées. I dénongait également les risques d’atteinte a la dignité que font peser les transferements tardifs en maison d’arrét en raison des nouvelles missions de l'unité de traitement judiciaire et de la réduction des effectifs. Le réclamant indique qu’a la suite de ses signalements, il aurait fait lobjet de plusieurs mesures défavorables, dont une sanction d’avertissement adoptée le 4 janvier 2021 Par un jugement du 30 juin 2021 (n° INN), le tribunal administratif de Paris a rejeté ‘son recours contre cette sanction en considérant que la sanction était sans lien avec lalerte. Monsieur BENMOHAMED a interjeté appel de ce jugement devant la cour administrative d'appel de Paris et c'est dans ce cadre que la Défenseure des droits souhaite présenter ses observations. Monsieur BENMOHAMED a également déposé plainte contre X le 29 juillet 2020 devant le procureur de la République prés le tribunal judiciaire de Paris pour harcélement moral En application de l'article 23 de la loi organique n° 2011-333 relative au Défenseur des droits, ce dernier a demandé l'autorisation diinstruire la réclamation de Monsieur BENMOHAMED au procureur de la République. La Défenseure des droits a obtenu l'autorisation diinstruire le 31 mars 2021. \.Instruction par les services du Défenseur des droits Le 22 septembre 2020, Monsieur BENMOHAMED a saisi par l'intermédiaire de son avocat le Défenseur des droits au titre de sa mission de conseil, orientation et de protection des lanceurs dalerte, A ce titre, les services du Défenseur des droits ont engagé une instruction auprés du ministere de lintérieur. Par courriers des 10 mai et 14 octobre 2021, les services du Défenseur des droits ont demandé la communication des piéces et explications utiles a 'examen de la réclamation de Monsieur BENMOHAMED. Le ministére de lintérieur n'a pas répondu a ces couriers, Par un courrier du 28 juillet 2022, le Défenseur des droits a informé le ministére de l'intérieur qu'il était susceptible de conclure a une violation des droits du réclamant a la suite de son signalement d'une alerte, en récapitulant les éléments de faits et de droit dont il disposait, Par courrier du 11 aodit 2022, le ministére de l'intérieur a répondu a ce courrier récapitulatif. Dans sa réponse, le ministére soutient notamment que Monsieur BENMOHAMED n’a pas exécuté intégralement et dans les temps ordre qui lui avait 68 donné par son supérieur et c'est Pourquoi il a été sanctionné. Il ajoute quill a ainsi manqué a de nombreuses reprises a son devoir de loyauté en n’exécutant pas avec diligence les ordres qui lui avaient été adressés et que la sanction d'avertissement notamment adoptée a son égard était justifiée par des éléments objectifs étrangers a sa déclaration ou a son témoignage auprés de sa hiérarchie. II n'y aurait ainsi pas eu de méconnaissance des dispositions de l'article 6 fer A de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Le Défenseur des droits n'a pas pu mener a bien Instruction @ temps pour présenter des observations devant le tribunal administratif de Paris. La protection des lanceurs d’alerte constituant un enjeu essentiel dans la vie démocratique contemporaine, ainsi qu'en témoigne adoption de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant a améliorer la protection des lanceurs dalerte, le Défenseur des droits souhaite présenter des observations devant la juridiction saisie en appel dés lors que le jugement ha lui parait notamment méconnaitre les régles d'aménagement de la charge de la preuve. Anal) En vertu du 5° de article 4 de la loi organique du 29 mars 2011, le Défenseur des droits est chargé d'informer, de conseiller et d’orienter vers les autorités compétentes toute personne signalant une alerte dans les conditions fixées par la loi et de défendre les droits et libertés des lanceurs d'alerte ainsi que des personnes protégées dans le cadre d'une procédure d’alerte Larticle 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, aujourd'hui repris larticle L. 136-4 du code général de la fonction publique, dispose qu’ « Aucune mesure concernant notamment (...) la discipline, (...) ne peut étre prise a 'égard d'un fonctionnaire pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, aux autorités judiciaires ou administratives de faits constitutifs d'un délit, d'un crime ou susceptibles d’étre qualifiés de conflit dintéréts au sens du I de l'article 25 bis dont il aurait eu connaissance dans I'exercice de ses fonctions /Aucun fonctionnaire ne peut étre sanctionné ou faire 'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 a 8 de la loin” 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative a la transparence, 4 la lutte contre la corruption et & la modernisation de la vie économique./ Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit ». Selon article 25 de la loi du 13 juillet 1983 : « le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité (...) » Aux termes de l'article 434-4 du code de la sécurité intérieure : « I. - Le policier ou le gendarme porte sans délai a la connaissance de I'autorité hiérarchique tout fait survenu 4 occasion ou en dehors du service, ayant entrainé ou susceptible d'entrainer sa convocation par une autorité de police, juridictionnelle, ou de contréle. » Diaprés l'article R. 434-5 du code de la sécurité intérieure : « |. Le policier ou le gendarme exécute loyalement et fidélement les instructions et obeit de méme aux ordres quill recoit de 'autorité investie du pouvoir hiérarchique, sauf dans le cas ou ordre donné est manifestement illégal et de nature 4 compromettre gravement un intérét public. (...) Il. - Le policier ou le gendarme rend 2 compte lautorité investie du pouvoir hiérarchique de l'exécution des ordres regus ou, le cas échéant, des raisons de leur inexécution. Dans les actes quill rédige, les faits ou événements sont relatés avec fidélité et précision. » Selon Farticle R. 434-8 du méme code : « Soumis aux obligations du secret professionnel et au devoir de discrétion, le policier ou le gendarme s'abstient de divulguer 4 quiconque n‘a nile droit, ni le besoin den connaitre, sous quelque forme que ce soit, les informations dont il a connaissance dans 'exercice ou au titre de ses fonctions. ». Par suite, si tout fonctionnaire de police est tenu de respecter les obligations inhérentes a son statut, il n'en demeure pas moins qu'il ne doit pas étre sanctionné pour avoir signalé une alerte, * Sur la qualité de lanceur d’alerte de Monsieur BENMOHAMED : Llarticle 6 de la loi n? 2016-1691 du 9 décembre 2016, dans sa version applicable a 'époque des faits, définit le lanceur d'alerte comme la personne physique qui révéle ou signale, de maniére désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international réguliérement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du réglement, ou une menace ou un préjudice graves pour Tintérét général, dont elle a eu personnellement connaissance. Larticle 8 de cette méme loi a institué une procédure graduée de signalement. En premier lieu, le signalement de l'alerte doit étre porté a la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de 'employeur ou d'un référent désigné par celui-ci En deuxiéme lieu, et en absence de diligences de la personne destinataire de l'alerte a verifier, dans un délai raisonnable, la recevabilité du signalement, celui-ci peut étre adressé a l'autorité judiciaire, & Vautorité administrative ou aux ordres professionnels. En dernier lieu, défaut de traitement par les personnes susmentionnées dans un délai de trois, mois, le signalement peut étre rendu public. En les, Monsieur BENMOHAMED a, dans le cadre de l'exercice de ses fonctions JI A <3: les manquements a la déontologie entre 2017 et 2020 de la part de ses collegues a 'encontre des personnes placées dans les cellules du Dépét (injures a caractére racial ou non, refus de distribution d'un repas, de couvertures, d'eau, entraves au droit de consulter un médecin, traitements humiliants et dégradants et vols des affaires personnelles). II est constant quil a eu personnellement connaissance des faits quill a signalés. administration souligne dailleurs dans son courrier précité du 11 aodt 2022 adressé au Défenseur des droits « les faits graves qu'il (Monsieur BENMOHAMED) avait constatés au sein de la CGZA ». Ces irrégularités, compte tenu de leur gravité, sont susceptibles de recevoir une qualification pénale ou de violations graves et manifestes de plusieurs engagements internationaux ratifiés par la France. Les préoccupations exprimées par Monsieur BENMOHAMED lors de ses signalements en dénongant des abus commis au sein du Dépét de Paris afin de s'assurer que ces demniers cessent et que les droits des personnes retenues soient respectés attestent du caractére désintéressé de sa démarche. La bonne foi exigée de la part de l'auteur du signalement s'examine au vu de deux éléments intention subjective de ce demier et sa croyance raisonnable dans la véracité des faits quil entend signaler. Il n'est pas contesté que Monsieur BENMOHAMED n'a manifesté aucune intention de nuire en procédant a ses signalements. Ayant constalé les faits dans l'exercice de ses fonctions de chef de brigade au sein de 'UTN du Dépét de Paris, Monsieur BENMOHAMED disposait d'informations suffisantes pour forger sa conviction sur la véracité des manquements quill a dénoncés. Au demeurant, et en tout état de cause, l'IGPN a conclu a lexistence de nombreux dysfonctionnements au sein du Dépét de Paris et a proposé une série de mesures pour y remédier (rapport du 16 février 2020, cf. infra), Les signalements ont donc été réalisés de bonne foi. Le réclamant a porté ses signalements a la connaissance de ses supérieurs hiérarchiques entre les mois d'avril 2017 et de juin 2019 (voir, notamment les rapports écrits des 10 octobre 2018, 22 janvier 2019 et 12 mars 2019). Il a également saisi IInspection générale de Ia police nationale (IGPN) en octobre 2018 |l convient de relever que les premiéres étapes du signalement n'ont conduit ni a l'arrét des agissements contestés, ni a la saisine du procureur ou a des sanctions disciplinaires de tous les agents concernés. Des enquétes administratives internes ont toutefois été mises en ceuvre et le lieutenant: — ‘supérieur de Monsieur BENMOHAMED, a envoyé le 12 mars 2019 un courriel & l'ensemble du personnel rappelant les régles applicables au Dépot de Paris, dont Tinterdiction des propos racistes, injurieux ou discriminatoires. Par courriel du 17 mars 2019, le lieutenant [NN a donné pour instruction de renouveler trés réguliérement ces rappels. Cependant, aucune mesure effective n’a été prise par les supérieurs higrarchiques de Monsieur BENMOHAMED pour mettre un terme aux agissements dénoncés et aucune enquéte judiciaire n’a été ouverte malgré les faits dénoncés. Plusieurs enquétes ont également été menées par I'IGPN. Monsieur BENMOHAMED a été entendu dans le cadre de l'une d'elle le 27 juin 2019 et a soulevé devant cette autorité les manquements & la déontologie de la part de ses collégues a l’égard des personnes retenues dans les cellules du Dépét a Paris. Il a ainsi indiqué dans ce cadre notamment qu'il « regrettait que sa hiérarchie n’ait pas pris en compte ses remarques & ce sujet et n’ait pas clarifié les choses ». L’enquéte de IIGPN a été cloturée le 3 février 2020. Dans son rapport du 16 février 2020, I|GPN @ conclu a la révélation de nombreux dysfonctionnements au sein du Dépdt de Paris et a proposé une série de mesures destinées l'amélioration de la situation. Cependant, aucun changement n'est intervenu au sein du Dépét de Paris ala suite de ce rapport et les fonctionnaires impliqués n’ont pas été sanctionnés et sont demeurés en fonction. Face a cette inertie et en raison des représailles subies par Monsieur BENMOHAMED, ce dernier a alerté opinion publique en témoignant auprés du média STREETPRESS le 27 juillet 2020. Cette dénonciation publique est intervenue plus de cing mois aprés la rédaction du rapport de TIGPN. La procédure de signalement graduée instituée par l'article 8 de la loi du 9 décembre 2016 a donc été respectée par le réclamant, quia d'abord informé ses supérieurs, puis l'autorité administrative, puis la presse. Par suite, compte tenu de ces éléments, la Défenseure des droits considére que Monsieur BENMOHAMED peut béneficier de la protection qui s'attache la qualité de lanceur d’alerte. * Sur les représailles subies par Monsieur BENMOHAMED et I'existence d'un lien entre celles-ci et les signalements réalisés : - Sur I’existence du lien entre les représailles subies et les signalements réalisés : ‘A compter de ses premiers signalements, en avril 2017, Monsieur BENOHAMED a subi une série de mesures défavorables qui ont atteint leur paroxysme avec 'adoption de la sanction disciplinaire (avertissement) dont ila fait objet le 4 janvier 2021 La Défenseure des droits considére que plusieurs des mesures défavorables quill a subies ne sont pas étrangéres a ses signalements d'une alerte. Il en est ainsi des mesures suivantes : - des reproches adressés le 15 mars 2019 sur un manque de loyauté pour avoir dénoncé les faits constatés dans l'exercice de ses missions ; - une demande d’évaluation de son état psychologique en mai 2019 (cf. sur ce point, la référence faite par la loi du 21 mars 2022 2 I'« Orientation abusive vers un traitement psychiatrique ou médical », au titre des représailles interdites.) ; = une annonce de sanction prononcée par le ministre de l'intérieur au cours d'une audition publique par la commission des lois de I'Assemblée nationale le 28 juillet 2020 ; - un refus d'octroi de la protection fonctionnelle au mois d'aodt 2020 ; ~ un avertissement le 4 janvier 2021 ; = un placement en garde a vue le 8 avril 2021 dans les locaux de I'|GPN dans le cadre d'une enquéte ouverte pour des faits qui n’ont finalement donné lieu @ aucune poursuite datant de janvier a juillet 2019 ; - enfin, un retrait de son mandat de représentant du personnel le 8 avril 2021. Sile litige ne porte que sur 'avertissement regu le 4 janvier 2021, les faits rappelés montrent que celui-ci a été infligé dans un contexte de représailles subies par le réclamant qui, avant ses signalements, n'avait pas rencontré de difficultés dans sa carriére. Il avait toujours été considéré comme un agent exemplaire avec un trés bon dossier administratif comme il en ressort de Venquéte de I'IGPN mais également de ses notations. La chronologie des évenements est, par suite, de nature a faire supposer que les mesures défavorables prises a son encontre, dont la sanction d'avertissement dont il a fait l'objet le 4 janvier 2021, ont été motivées par son alerte. En effet, la perte de confiance et le comportement déloyal qui lui ont été reprochés sont intervenus aprés la que Monsieur BENMOHAMED a réitéré ses signalements sur les dysfonctionnements au sein du Dépét de Paris, ainsi qu'il ressort de la mention sur le bordereau de transmission du rapport de Monsieur BENMOHAMED du 15 mars 2019. Ainsi, Monsieur i commissaire divisionnaire de police, y indique : « Indépendamment de la réalité des faits dénoncés, la méthode utilisée par le B/ c BENMOHAMED pose réellement question. Son manque de loyauté et sa méfiance viscérale envers la hiérarchie du service dénote un état desprit quil convient de dénoncer. Nous ne pouvons nous satisfaire du chantage qu'il met en ceuvre ». Son manque de loyauté en lien avec les faits dénoncés dans le cadre de lexercice de ses fonctions lui_a_également été reproché par son supérieur hiérarchique, le lieutenant EEE 2 occasion d'un rapport relatif 4 la maniére de servir de l'intéressé du 30 novembre 2019. Sagissant spécifiquement de la sanction disciplinaire prononcée le 4 janvier 2021, son fondement ne semble pas étranger a son alerte. En effet, bien que le motif invoqué de la sanction soit abstention de se conformer immédiatement aux instructions de sa higrarchie, le fait que cette nction ait été adoptée presque deux ans aprés les faits, alors quelle ne nécessitait pas investigations particuliéres, apparait de nature a créer un doute sérieux quant a son fondement réel De plus, il est a tout le moins paradoxal que soit reproché & Monsieur BENMOHAMED un retard d'une semaine dans la rédaction du rapport demandé sur les dysfonctionnements constatés alors quil ressort du dossier quil avait alerté sa hiérarchie des manquements a la déontologie de la part de ses collégues des avril 2017, sans qu’aucune mesure concrate n’ait été prise pour faire cesser les agissements dénonces. En effet, dés le 6 mars 2019, Monsieur BENMOHAMED avait adressé un compte rendu oral & son supérieur hiérarchique sur les faits relatifs aux propos racistes. Monsieur ayant, dans la nuit du 11 au 12 mars 2019, réitéré ordre adressé a Monsieur BENMOHAMED de rédiger un rapport, ce dernier a rendu son rapport le 12 mars 2019, désignant deux gardiens de la paix auteurs des propos injurieux a caractére raciste a lencontre des personnes déférées. II ne peut valablement étre fait grief 4 Monsieur BENMOHAMED, comme cela est le cas dans la sanction dont il a fait l'objet, davoir refusé de préciser dans le rapport les identités des effectifs qui avaient dénoncé auprés de lui les comportements critiquables, ce qui sous-entendait quil faisait obstruction a la révélation de la vérité et au bon déroulé de 'enquéte qui serait menée. En effet, ces demiers avaient exprimé leur volonté claire de ne pas voir leur identité divulguée car ils craignaient les représailles, Monsieur BENMOHAMED a également donné le nom de deux fonctionnaires de police qui avaient accepté de témoigner a I'lGPN et indiquait que les autres menagaient de revenir sur ensemble de leurs déclarations s'ils étaient auditionnés. Dés lors, Monsieur BENMOHAMED a bien communiqué toutes les informations nécessaires a ouverture d'une enquéte et & identification des fonctionnaires de police responsables des manquements constatés. Il est naturellement loisible a l'administration de sanctionner un agent lanceur d’alerte pour des faits étrangers a lalerte. Cependant, en lespéce, les faits apparaissent liés au traitement de Valerte et sont 2 ce titre trés proches de lalerte elle-méme, laquelle n’a été permise que par les signalements de Monsieur BENMOHAMED, lesquels ont finalement donné lieu a ouverture d'une enquéte de I'IGPN et, a la suite de sa saisine de ‘opinion publique par voie de presse, conduit 4 mettre fin aux comportements critiqués. - Sur absence de prise en compte de I'aménagement de la charge de la preuve par le tribunal : Le tribunal administratif a jugé que : « le requérant n'établit pas que la décision attaquée constituerait une mesure de rétorsion a la suite d'un signalement d'une alerte auprés des autorités mentionnées par les dispositions précitées de l'article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 alors quil appartient a tout fonctionnaire de police, méme lorsquill estime étre un « lanceur d'alerte », de respecter les obligations inhérentes a son statut. Par suite, un tel moyen ne peut qu‘étre écarté, » Ila, d&s lors, rejeté les conclusions @ fin d’annulation de la sanction disciplinaire dont Monsieur BENMOHAMED a fait objet. |i convient toutefois dinsister, eu égard aux difficultés propres a 'établissement de la preuve en la matiére, sur le mécanisme probatoire particulier applicable dés lors qu'un agent présente des éléments de fait permettant de présumer qu'll a procédé de bonne foi a un signalement. | apparait particuliérement important, au vu de la nouveauté de ce contentieux, dont le cadre jurisprudentiel est a définir, ainsi que de la situation de particuliére vulnérabilité des lanceurs dalerte, de rappeler le principe de l'aménagement des régles de dévolution de la preuve. ‘Aux termes du cinquiéme alinéa de l'article 6 fer A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, « (...) dés lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou temoigné de bonne foi ...) d'un signalement constitutif d'une alerte au sens de article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe @ la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers a la déclaration ou au témoignage de I'intéressé (...) » Cet aménagement des régles de dévolution de la preuve a été introduit dans le statut général des fonctionnaires en 2013 (Ioi n° 2013-1117), spécifiquement en faveur des lanceurs d'alerte, en siinspirant des dispositifs mis en place dans la fonction publique depuis 2008" pour les faits de harcélement moral et de discrimination. Saisi de la question de 'application de dispositions miroirs figurant a l'article L. 1132-3-3 du code du travail pour les salariés de droit privé, le Conseil d’Etat a trés récemment rappelé quill s'agissait a d'un aménagement des régles de dévolution de la preuve (CE, 27 avril 2022, JM aux tables), Il se déduit d'un tel dispositif quien présence d'allégations sérieuses qui permettent de présumer quiune alerte a été lancée dans les conditions prévues par la loi du 9 décembre 2016, il incombe administration d’établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers au signalement émis. A défaut, il ne peut étre retenu que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers a la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Or, en lespéce, alors quill ncombe a la juridiction de mettre en ceuvre au bénéfice du requérant laménagement des régles de dévolution de la preuve, la formation de jugement du tribunal administratif de Paris a mis a la charge du seul réclamant |'établissement de la preuve du lien entre l'alerte et la décision attaquée (considérant que : « Par suite, le requérant n’établit pas que la décision attaquée constituerait une mesure de rétorsion a la suite d'un signalement dune alerte (9). * Cf, article 4 de la loi n* 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, dont les modalités ’application au procés administratif ont été explicitées des 2009 par le Conseil d Etat, cf Ass, 30 octobre 2009, Mme Perreux, 298348, Rec. application du principe de 'aménagement de la charge de la preuve aurait, selon le Défenseur des droits, da conduire le tribunal & constater que la sanction d'avertissement prononcée & Tencontre de Monsieur BENMOHAMED le 4 janvier 2021 n’apparait pas justifiée par des considérations étrangéres a son alerte et, partant, a en prononcer l'annulation Par suite, la Défenseure des droits considére que Monsieur BENMOHAMED a fait l'objet, eu égard & cette sanction, d'une mesure de représailles aprés avoir lancé une alerte dans les conditions prévues par la loi, en méconnaissance notamment de l'article 6 ter A de la loi du 13, juillet 1983 précité, Telles sont les observations que la Défenseure des droits souhaite soumettre a 'appréciation de la cour administrative d'appel de Paris saisie par l'intéressé. Claire HEDON

Vous aimerez peut-être aussi